Transgression à la maison…








Ce film ne fait pas le portrait social de la prostitution actuelle en France. En revanche il traite de façon très subtile du sentiment d’étrangeté qui nait chez certain-e-s de leur incapacité à suivre des règles sociales, comme moteur de transgression. 

On ne sait pas pourquoi elle est habitée par ce sentiment de solitude, cette jeune femme, mais on comprend vite qu’elle n’arrive pas à rentrer dans le parcours affectif et sexuel que son entourage lui propose « naturellement » pour son âge. Jeunes femmes censées tomber amoureuses de beaux partis, particulièrement pour celles qui sont jolies. Jeunes femmes censées reproduire le parcours de leurs mères : « on doit s’amuser », on doit sortir avec d’autres jeunes, mais surtout on doit expérimenter l’amour hétérosexuel. Mais pas elle. Elle n’apprécie pas qu’on lui force la main vers cet engagement qui se voudrait naturel. Mais le sexe l’intrigue et elle sait se procurer du plaisir seule. Quel contrôle une femme peut-elle avoir sur sa sexualité alors qu’on attend d’elle qu’elle se donne à un beau parti ? Quel sens ça peut avoir de se faire sauter la première fois ? 

J. Gagnon dans « Les scripts de la sexualité – Essai sur les origines culturelles du désir » écrit : « Certains individus reproduisent fidèlement les prescriptions des scénarios culturels sans difficultés et parfois même avec enthousiasme. D’autres trouvent les exigences culturelles étranges et même gênantes et sont incapables de tenir les rôles que l’on attend d’eux ou de prendre de la distance à l’égard des exigences culturelles ou des rôles qui leur sont impartis. Le crime, la folie, l’art ou la science peuvent alors constituer des formes de réponse à ces situations. ». 

Dans le film, elle choisit le crime. Elle décide de tarifer la baise. Elle multiplie les rencontres sexuelles en dehors du jeu social. Elle fait payer. L’échange économique lui apporte de la satisfaction bien qu’elle ne manque pas d’argent : « c’est plus clair comme ça ». Le film regorge de scènes et de dialogues bien sentis qui replacent les évènements et les discours dans le contexte social actuel sur le genre et l’âge : mettre les représentants de l’ordre (les parents) face à leurs contradictions, ridiculiser les tenants d’une psychologisation outrancière des comportements, faire bander son petit-copain sous elle en l’enculant discrètement.

Par rapport à la prostitution, ce film n’apporte pas d’élément de compréhension sur l’activité elle même. Elle a la chance de ne pas croiser d’agresseur, mais elle a quand même affaire à un abuseur qui refuse de payer la passe complète. Le film explore plutôt ce qu’est le stigmate de pute : c’est le dégoût, la culpabilité, le jugement et la crainte pour les femmes qui pensent ne pas en être, l’assurance de celle qui en est, les fantasmes de celle qui aurait aimé l’être. C’est la fascination et le mépris des clients, la dédramatisation du représentant de l’ordre. 

De mon point de vue de lesbienne, je m’y retrouve … expérimenter des actes sexuels avec les garçons qui passent par-là sans les aimer et pratiquer une sexualité tarifée font de vous une pute. Au regard du monde, ce sexe sans sentiment est considéré comme salissant et dégradant pour les femmes. Pourtant il ne s’agit pas de sexe subi. Il s’agit d’expérience, d’un jeu lucide autour du rôle attendu d’une femme, de plaisir, d’individualisation, d’autonomisation, de pouvoir. Bref ce film est une quête de vérité jouissive et enthousiasmante.

                                                                                                          
          Tomboy

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