CHANGER DE PILULE… OU CHANGER DE GYNECO ?
Ce récit
est une pure fiction. Toute ressemblance avec des personnes existant ou ayant
existé, des événements ayant eu lieu, n’est que pure coïncidence.
Tel Le Canard Enchaîné se faufilant dans les couloirs de
l’assemblée nationale pour vous livrer les secrets d’Etat les mieux gardés,
Superféministe s’est introduite dans les coulisses du Planning Familial pour
vous livrer les anecdotes les plus orageuses sur… les gynécologues !
Fin mars Mme B est venue consulter au Planning Familial en
panique. Son gynécologue venait de lui renouveler sa pilule. Mais le problème
était de taille puisque cette pilule n’existait plus ! Devinette :
qu’est ce qui servait aux hétéros qui ne voulaient pas de mioche, à celles que
l’acné dégoûtait et qui vient d’être interdit à la vente en France? La
Diane 35 bien sûr. Mais son gynécologue ne le savait pas. Son spécialiste de la
contraception, qu’elle a rétribué d’une somme de 40 euros, dont le salaire moyen
est estimé par l’Insee à 6750 euros par mois (2007), que la collectivité rembourse
28 euros par consultation, qui a obtenu son diplôme après au moins 9 ans d’études,
considéré comme un expert à qui il faudrait faire confiance, son gynécologue donc
lui a renouvelé fin mars la Diane 35 retirée de la vente mi-mars…
Début mars Mme H raconte à une amie ses déboires avec sa
nouvelle pilule. Comme elle ne souhaitait plus prendre sa pilule combinée (c’est-à-dire
avec des œstrogènes et progestatifs) de 3ème génération, sa
gynécologue lui a prescrit une pilule progestative (donc non combinée) en lui
expliquant qu’elle ne risquait rien. Elle ne risque effectivement aucun effet
indésirable grave avec un progestatif seul qu’il soit de 2ème ou 3ème
génération. Les pilules progestatives non combinées sont celles qu’on utilise pour
les femmes qui allaitent, celles qui ont des risques de phlébite ou des risques
cardio-vasculaires. Ce que sa gynéco a oublié de lui dire, c’est qu’elle
pouvait donner des effets secondaires mineurs : pertes de sang
irrégulières, acné, prise de poids. Et c’est ce qu’elle a eu Mme H, tant et si
bien qu’elle a eu envie d’arrêter sa nouvelle pilule ! Précisons que Mme H
est fumeuse mais a moins de 35 ans ce qui autorise à lui prescrire une pilule
combinée de 2ème génération. Pourquoi sa gynécologue n’a pas
simplement switché de sa pilule combinée de 3ème génération vers une
pilule combinée de 2ème
génération, très proche au niveau des effets secondaires mineurs ? Alors
là vous comprenez chère amie que quand ça fait plus de 10 ans que vous expliquez
aux femmes que les pilules combinées de 2ème génération remboursées
ont vraiment trop d’effets indésirables, c’est sûr que vous ne pouvez pas lui
en prescrire une du jour au lendemain. Elle risque de se poser des questions
quand elle verra que ça lui convient très bien, surtout aussi bien que sa
pilule combinée de 3ème génération qui elle n’est pas remboursée. Peut-être
se rendra-t-elle compte qu’elle a englouti un budget pilule pendant des années juste
pour faire plaisir au visiteur médical de sa gynéco… Alors que si vous lui
prescrivez une pilule progestative non combinée, comme elle aura des effets
secondaires mineurs, vous la convaincrez aisément de revenir à sa pilule
combinée de 3ème génération. Vous saisissez la combine ?
Fin janvier, Mme P a discuté de l’article du Monde du 11
janvier 2013 avec sa gynécologue pour savoir ce qu’elle en pensait. Sa très sympathique
gynécologue lui a expliqué qu’elle avait plusieurs fois assisté à des
conférences de Christian Jamin, qu’elle le trouvait plutôt honnête et ouvert
sur les prescriptions de contraception et toujours du côté des femmes. Pour
elle il était difficile d'entendre des discours aussi critiques de la part du
Monde, chaque médecin prescrivant selon elle en son âme et conscience, en
fonction de ses connaissances, et surtout selon les désirs de chaque patiente. Bref
sa gynéco restait confiante dans ses maîtres le Pr Nisand, le Dr Jamin, le Dr
Mimoun... qui ont le mérite de publier, étudier, parler... Mais Mme P, féministe
avertie, avait aussi lu le courrier du CNOGF (Collège national des gynécologues
obstétriciens français) qui soutenait les quatre compères gynécologues leaders
d’opinion, et s’attendait à ce que sa charmante gynécologue rallie ce soutien
inconditionnel. Elle lui explique donc son point de vue. Pour Mme P l'industrie
du médicament utilise les normes médicales. Cette industrie a étudié les
valeurs médicales basées sur la confraternité, sur le respect de la parole des
maitres, sur la survalorisation de l'expérience individuelle par rapport à
l'expérience collective, et elle se sert de ces valeurs pour mieux vendre. Mme
P ne remet pas en cause les qualités humaines des gynécologues, mais leur
allégeance à leurs confrères leaders d’opinion corrompus par le marché du
médicament. Pour elle il est trop naïf de penser que l'industrie du médicament et
ses leaders d’opinion servent la cause des femmes. C’est plutôt une armée dont
le but est de remporter des marchés pour toujours plus d’argent. Mme P se
trouve donc embêtée car elle connait sa gynécologue depuis 20 ans maintenant et
son discours peu critique altère la confiance qu’elle lui porte. Comment se
forme-t-elle ? Faut-il craindre qu’elle ne prescrive sous influence ? Pas
étonnant que tant de femmes se tournent maintenant vers des méthodes non médicalisées…
Nous tenions à remercier Marisol Touraine, ministre des
Affaires Sociales et de la Santé, d’être si compréhensive et solidaire à
l’égard de la corporation des gynécologues médicaux et de leurs leaders d’opinion,
de ne pas avoir pris de mesure pour introduire de la formation indépendante, de
continuer à justifier les tarifs et les dépassements de cette corporation qui
réalise surtout des actes de premier recours (prescription de contraception,
suivi de grossesse non pathologique, réalisation de frottis), de ne pas
conditionner leur autorisation d’exercer à l’application des connaissances
actuelles, bref de les laisser exercer comme bon leur semble, avec toute
l’autorité dont ils-elles disposent, y compris lorsqu’ils-elles nuisent aux
femmes. Merci Marisol Touraine de montrer l’incapacité de l’Etat à protéger les
femmes face à l’industrie du médicament et à ses stratégies perfides. Entre
ami-e-s de même caste sociale on se comprend.
A lire en
complément, un article bien argumenté de Martin Winckler, médecin, auteur de « contraceptions mode
d’emploi » : http://leplus.nouvelobs.com/contribution/808396-pilule-de-3e-generation-ce-que-cette-crise-nous-dit-du-systeme-de-sante-francais.html#inscript
Tenacious AC